JEFF BECK (1944-2023) – La guitare électrique orpheline d’un de ses plus grands virtuoses.

Écrit par sur 13 janvier 2023

Le guitariste Jeff Beck, guitar hero parmi les guitar hero, est décédé ce mardi 10 janvier 2023 à l’âge de 78 ans. Il laisse derrière lui l’un des héritages créatifs les plus importants du rock et de la guitare électrique.

Stevie Wonder, Jeff Beck, Cozy Powell

À l’âge de six ans Geoffrey Arnold Beck, né en 1944 dans la banlieue de Londres, voit pour la première fois Les Paul jouer de la guitare. La maestria de l’américain suffit à lui donner envie d’apprendre et de maîtriser l’instrument. Cette envie sera ensuite nourrie par la première vague du rock notamment Cliff Gallup, guitariste de Gene Vincent, Buddy Holly et B.B. King.

Jeff Beck est tellement obsédé par la guitare électrique, qu’il essaye d’en construire plusieurs lui-même et les résultats seront rarement convaincants.

Alors qu’il intègre le Wimbledon College of Arts, après le lycée, il fait la rencontre de Jimmy Page et sa carrière commence réellement à prendre forme. Il enchaîne les groupes, les rôles de musicien de sessions et enregistre plusieurs singles avec des formations aussi bien psyché (SCREAMING LORD SUTCH AND THE SAVAGES) que R&B (THE NIGHTSHIFT).

En 1965, sur les conseils de Page, THE YARDBIRDS recrute Beck pour remplacer Eric Clapton. Le mariage durera 20 mois, avec un album à la clé : le légendaire « Roger The Engineer », considéré par beaucoup comme la meilleure production du groupe. L’année suivante, Jimmy Page est recruté par les YARDBIRDS d’abord comme bassiste puis comme second guitariste. Le double lead fonctionne quelque mois et sera même filmé pour le long-métrage « Blow Up » de Michelangelo Antonioni en 1966.

Jeff Beck (Amsterdam, 1979)
Jeff Beck (1964/1965)
jeff-beck

La même année, Beck enregistre « Beck’s Bolero », avec ses amis Jimmy Page (futur LED ZEPPELIN), John Paul Jones (futur LED ZEPPELIN), Keith Moon (THE WHO) et Nicky Hopkins (allez voir sa disco, c’est trop long). Le single ne sortira qu’en 1967, en face B, à cause de disputes sur les crédits d’écriture et de production du morceau, disputes qui couleront ce qui fut la première tentative de former LED ZEPPELIN. Suite à cet échec, Beck, dont le perfectionnisme et le caractère colérique tapent sur le système de tout le monde, est renvoyé des YARDBRIDS en 1967.

Il enregistre alors ses premiers morceaux solos, dont le single « Hi Ho Silver Lining », qui se classera dans le top 20 en Angleterre mais n’aura qu’un succès d’estime aux USAs. Dans la foulée, il forme THE JEFF BECK GROUP, avec Rod Stewart au chant, Ronnie Wood (futur THE ROLLING STONES) à la basse, Nicky Hopkins au piano et Aynsley Dunbar à la batterie (allez aussi voir sa disco).

La formation sort « Truth », sous le nom JEFF BECK, en août 1968 et l’album se hisse en quinzième place des meilleures ventes au Etats Unis. Un second opus « Beck-Ola » est publié l’année suivante, mais avec un succès bien moindre. À cause des tensions croissantes au sein du groupe, l’aventure s’arrête en juillet 1969.

Beck racontera avoir été extrêmement frustré de voir l’explosion d’Eric Clapton, Jimmy Page et Jimi Hendrix, alors que lui-même n’arrivait pas à trouver sa voie. Il expliquera par la suite : « Tout le monde se rappelle des années 60 pour ce qu’elles n’étaient pas. C’était une période de frustration pour moi. L’électronique n’était pas assez avancée pour les sons que j’avais dans la tête. »

Après une convalescence suite à un accident de voiture, Jeff Beck se cherche. Il reforme le JEFF BECK GROUP avec Cozy Powell (futur RAINBOW, futur WHITESNAKE, futur BLACK SABBATH, futur…). ils publient deux albums qui vont entamer un virage stylistique radical, entre soul, pop, jazz, rock et rhythm’n’blues, ces deux albums inaugurent la formule : c’est en maîtrisant tous les styles qu’on devient JEFF BECK.

En 1972, il dissout le JEFF BECK GROUP, trouvant que malgré le succès, le nouveau style créé n’est pas assez fort. Il participe aux sessions du mythique « Talking Book » de STEVIE WONDER, qui lui donnera la permission d’enregistrer et sortir en premier « Superstition » (issue d’un bœuf entre eux)… Mais à cause de retards, c’est bien la version de Wonder qui sortira la première, avec le succès que l’on connait.

Le trio BECK, BOGERT, APPICE, dans les tiroirs depuis 1969, publie un album en 1973 avant de se séparer en 1974, pendant les sessions d’enregistrements d’un nouvel album, toujours à cause de tensions interne sur les méthodes de travail.

En octobre 1974, il retourne en studio, en solo, pour un projet instrumental, avec le légendaire producteur George Martin (« Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band », entre autres). Beck insiste pour tout réenregistrer, tout peaufiner. Il n’est jamais satisfait de ses solos et passe des journées entières à les perfectionner. De ces sessions naissent « Blow By Blow », qui sort finalement en mars 1975. Cet album marque l’entrée de Jeff Beck dans le jazz rock et reste à ce jour son plus grand succès. On y retrouve d’ailleurs le morceau « Cause We’ve Ended As Lovers » offert à Beck par Stevie Wonder pour se faire pardonner après l’affaire « Superstition ». George Martin racontera par la suite que Beck l’a appelé un soir pour modifier un solo… alors que l’album était déjà sorti.

L’année suivante, il réaffirme son style Jazz-rock-fusion avec l’album « Wired », enregistré avec d’anciens membres du MAHAVISHNU ORCHESTRA. Cet album sera certifié disque de platine aux USAs et impose enfin Jeff Beck comme l’un des plus grands guitaristes de tous les temps.

Jeff Beck (Japan, 2014)

Il revient en Angleterre en 1978 et passera deux ans à travailler sur son prochain projet « There And Back », qui sortira finalement en 1980 avec un succès mitigé. Les années 80 de Beck sont surtout marquée par les acouphènes dont il souffre et qui l’obligent régulièrement à faire des pauses. À tel point qu’il ne publie que deux albums entre 1985 et 1989, sans jamais retrouver les sommets des années 70.

Dans les années 90, il collabore à nouveau à énormément de projets, depuis l’album solo de BON JOVI « Blaze Of Glory » en 1990, à la bande originale du film « Jours de tonnerre » en 1992, en passant par des albums de Kate Bush et Beverley Craven… Avant de publier un album hommage à Cliff Gallup en 1993.

« Who Else ! » qui sort en 1999 le voit expérimenter avec la musique électronique et la techno. Pour la première fois depuis les YARDBIRDS, il partage la guitare sur des compositions originales, puisqu’il démarre une collaboration de trois ans avec Jennifer Batten.

Les années suivantes suivront le même schéma avec des sorties sporadiques et des collaborations fréquentes, mais toujours ce souci de renouveau et d’expérimentations qui ont fait sa renommée.

Véritable touche à tout, à la discographie aussi géniale que difficile d’accès, Jeff Beck incarne l’amour ultime porté à la guitare électrique, le porte étendard du travail acharné et méticuleux dans le but d’atteindre la perfection technique. En cherchant l’évolution à tout prix il a fait sauter les barrières stylistiques et inspiré des milliers de musiciens à faire de même à travers les années. Sa mort laisse un trou béant dans l’histoire de la guitare rock.

Nos pensées vont à sa famille et ses amis.

Sources : « The NME Rock’n’roll Years (1965-1990) par David Heslam, « Jeff’s book : A chronology of Jeff Beck’s career, 1965-1980 : from the Yardbirds to Jazz-Rock » par Christopher Hjort et Doug Hinman. Wikipedia,


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