Il faut dire que quand on a l’ambition de raconter le règne semi-légendaire de Nitocris, la première femme pharaon qui aurait régné vers -2152 pour une période de un à douze ans selon les sources, marquant la fin de la 6ème dynastie et pas reconnue par tous les égyptologues, dont l’existence même est sujette à débat, il y a fort à faire.
Et il faut bien le reconnaître, les grenoblois se montrent à la hauteur du récit, avec un album épique, varié, recherché, dont le foisonnement résonne comme la bande originale d’un péplum grandiose et glorieux. C’est un peu comme si la beauté visuelle du Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz rencontrait les innombrables conspirations de Game Of Thrones.
« Part 0 : Nitocris The Queen With The Golden Hair » atteint ses objectifs haut la main. Impossible de ne pas visualiser les immenses plaines de sable d’Égypte, se remplir d’une armée innombrable en écoutant « The Rise Of Aoutef’s Army », ou de ne pas imaginer Merenré, l’époux assassiné de Nitocris, prendre la forme du faucon d’Horus, pendant « My Sister, My Love, My Pharaoh ».
Si les émotions, les images et l’histoire se comprennent aussi bien, c’est avant tout grâce à Julien Tournoud. Le chanteur est encore une fois le pilier central d’AMON SETHIS. Son interprétation épique est très théâtrale, par sa façon de changer de registre vocal pour appuyer la narration et passer d’un personnage à un autre, est irréprochable en ne tombant jamais dans l’excès. Son attaque sur « Desert Storm », est magnifique de retenue et de justesse, parce qu’en ramenant d’un coup l’attention sur lui, il permet au morceau de ne pas aller trop loin, mais au contraire de se poser avant de d’exploser sur un refrain aux proportions titanesques.
Au début, régulièrement, j’ai mis pause, en me disant : « Attends, mais elles sont ou les guitares là ? ». Et c’est précisément, à la 3ème écoute de l’album, sur « Lost In The West », que j’ai eu le déclic. Les guitares sont utilisées ici comme un orchestre utilise ses premier violon. Si Olivier Billoint est mis en avant de manière parfaitement adéquate quand il le faut (l’intro frénétique « Mask Of Wrath », le refrain de « By The Torture » ou le solo de « Lost In The West ») il sait aussi se mettre au service des orchestrations, pour les rendre encore plus épiques et percutantes (« Osiris God Of The Dead », « The Conspiracy »). En s’incorporant ainsi dans le reste des instruments, le guitariste renforce la cohésion de l’ensemble pour un rendu d’autant plus grandiose.
Chapeau bas également au batteur Sébastien Perrad qui abat à lui tout seul le travail d’une section rythmique complète. Lui aussi, se met au service de la musique et de l’histoire racontée, avec des changements de rythmes et de structures qui n’ont pas dû être évidents à mettre en place. Il porte complètement « Lost In The West », sur lequel je vous mets au défi de ne pas suivre sa double pédale, qui file avec précision et légèreté. Maîtrise technique aidée par une utilisation habile des cymbales qui ne tombe jamais dans le cliché ou la facilité. Si l’album est long sans jamais être rébarbatif c’est en grande partie grâce à lui.