Et il leur faut exactement une note et demi pour démontrer la raison principale de leur longévité, en entament par un enchainement « Living Backwards »/ « I Bleed Black » à se décrocher la nuque pour tenir le rythme. Dave Chandler est déchainé comme jamais, avec sa tête de psychopathe, ses cheveux de fous et ses mimiques dignes des meilleurs films d’horreur. Il maltraite sa guitare pour en tirer des sons inhumains lors de soli à rallonge. Le morceau d’âme d’Hendrix qu’il a absorbé un jour se fait sentir. Le guitariste est définitivement le cerveau de SAINT VITUS, portant le poids de composition iconiques et de riffs cultissimes, entre doom vicieux et hardcore énervé. Le cœur du groupe c’est indéniablement sa section rythmique : Henry Vasquez est un batteur/ours/bucheron qui cogne tellement fort que son micro de grosse caisse doit être replacé entre chaque morceau, et que sur un énorme « Saint Vitus », joué en rappel, la salle menace de s’effondrer, quant à Mark Adams, si son jeu tout en subtilité, en discrétion et en lourdeur, le fait un peu disparaitre derrière ses camarades, sa contribution à la puissance d’un « Blessed Night » ou d’un « Dying Inside » est capitale par le relief qu’elle leur donne. Et enfin, dans un contraste quasi parfait avec Dave Chandler, se trouve l’unique Scott « Wino » Weinrich. Ce type aux épaules larges et à la gueule burinée, ce chanteur iconique du doom au regard magnétique qui vous transperce dès qu’il vous capte. Sa performance est irréprochable ce soir, tandis qu’il canalise une fosse aux aguets, ne la laissant s’exprimer et se lâcher que lorsque la musique ne le permet (il calmera d’ailleurs mon joyeux drille de plus tôt en lui posant simplement la main sur la tête), l’entendre chanter « Born Too Late » donne l’impression qu’il s’adresse à l’âme de chacun des spectateurs.
Pour célébrer 35 ans de carrière, le combo puise dans toute sa discographie (à l’exception de « C.O.D. ») et enchaine tuerie sur tuerie. Mais évidemment, c’est le mythique « Born Too Late » qui se taille la part du lion, puisque 6 des 9 morceaux sont joués dans l’ordre inverse de l’album, ce qui en plus d’être surprenant, démontre que le tout se tient aussi dans ce sens-là (et faire précéder cette surprise de « The Troll » est assez hilarant). Et plus la soirée avance, plus la descente dans la folie est palpable, plus la puissance et la mélancolie qui émane de la paire Chandler/Wino est étouffante, faisant finir le concert par « Clear Windowpane » qui voit le gratteux descendre dans la foule et utiliser les têtes des fans du premier rangs pour appuyer sur ses cordes (ce qui lui vaudra une ovation de la part d’une partie de la fosse) et surtout un « Born Too Late » monumental, sur lequel on s’époumone en ayant la chair de poule. Ce soir SAINT VITUS a une nouvelle fois affirmé sa position de prophète du doom, en délivrant une performance magistrale, parfaite de bout en bout, qui me fait espérer le meilleur pour un possible album en préparation. 35 ans… Je suis définitivement né trop tard.