Mais ce n’est pas seulement la musique qui oscille entre les couleurs et les ambiances… And Deris n’a jamais chanté aussi bien de manière aussi variée. Ceux qui l’ont vu en live connaissent une partie de son talent, mais ici il est tout simplement impressionnant, faisant la démonstration de toute sa palette vocale du début à la fin de l’album. Criant sur « Banker’s Delight », vindicatif et rythmique sur « Cock », délicat et désabusé sur « Blind », épique et majestueux sur « EnAmoria », subtil et tendre sur « I Sing Myself Away », il enchaîne même tout ça sur le superbement génial « Must Be Dreaming ». Les fans d’HELLOWEEN retrouveront même la voix des derniers albums de la formation sur « Don’t Listen To The Radio », morceaux surement le plus proche du registre de son autre groupe. En fait, le chanteur se réinvente vraiment à chaque morceau, pour le plus grand plaisir de nos oreilles.
Mais si il peut se le permettre, c’est avant tout parce que ses « Bad Bankers » (le trio qui l’accompagne ici) est loin d’être un trio de manchots. Si l’histoire de leur rencontre est hilarante, leur talent musical force le respect. Ainsi Nasim Lopez-Palacios est un batteur bluffant, parce qu’en plus d’être un métronome dès lors que le morceau en a besoin (« Cock ») il sait aussi assurer des petits appels de double grosse caisse absolument discret mais qui annonce immédiatement le changement de rythme (« Don’t Listen To The Radio »), ses talents de percussionniste sont également d’un grand secours sur « Who Am I » ou son jeu de cymbales permet d’aérer le morceau et de donner aux couplets une vraie puissance (et la partie de batterie juste avant les refrains est juste à tomber par terre). Avec une frappe alternant entre la puissance et la subtilité, on a affaire à un batteur polymorphe haut de gamme, qui assure du début à la fin.
Chose rare, on entend la basse sur de très nombreuses introductions (« This Could Go On Forever », « Must Be Dreaming », « Will We Ever Change ») mais également sur l’ensemble des morceaux qui suivent. Servant ici un rôle de guitare rythmique, Jezoar Marrero réussi à insuffler une lourdeur à toutes ses parties, qui permet finalement d’accroitre l’impact des autres instruments. Véritable pilier rythmique de l’ensemble, son apparente simplicité cache un réel sens du rythme et une capacité rare à se mettre en retrait pour servir l’ensemble de l’album.
Et puis il y a Nico Martin… Complétant parfaitement ses deux comparses, son jeu de guitare de grande qualité est impeccable pour soutenir la mélodie à tous les moments. Ca riffe, ça shredde, ça balance des petites parties arpégées avec un groove et un feeling absolu. Le travail de guitare rythmique d’Andi Deris passe totalement à la trappe dès que Nico entame un solo, ce qui est le cas sur à peu près tous les morceaux et s’avère surprenant à tous les instants, particulièrement sur « EnAmoria » sur laquelle l’espagnol réussit à faire passer ce morceau de la case « intense » à la case « épique » en quelques notes, tout comme c’est le cas pour « Must Be Dreaming ». Soutenant parfaitement la voix d’Andi Deris, c’est en définitive l’association des trois musiciens qui rend cet album aussi excellent et cohérent dans son interprétation. Le genre de groupe rare que l’on peut être fier d’avoir découvert M. Deris.
Bref, je pourrais vous en parler pendant des heures, et vous en dire du bien parce que finalement le seul défaut que je trouve à cet album, c’est que les premières écoutes peuvent s’avérer un peu déroutante si l’on s’attend à du HELLOWEEN. Sinon rien, pas un défaut, pas un problème à observer, on est devant un objet rare de perfection. En définitive, « Million Dollar Haircuts On Ten Cent Heads » est un monument d’écriture, je vous recommande d’ailleurs la lecture des paroles, elles en valent le coup, et un album d’une rare intensité sur la durée. Les écoutes successives ne servent qu’à le rendre plus riche et dense. Un album à se procurer d’urgence, pour nous permettre de le voir défendu sur scène, ce qui serait déjà rajouter une autre cerise à ce gâteau.