La puissance évidente du combo réside dans la force qu’il a à écrire des titres calibrés pour nous en mettre plein les esgourdes. Chacun d’eux est une nouvelle démonstration de songwriting de qualité qui arrive doucement mais surement à maturité. Quand on écoute « Stronger Than You » ou « The Prodigal Child » on n’a clairement pas le sentiment que le groupe a à peine cinq ans. Si l’on arrive à passer la voix hurlée et un peu « coreuse » de Laurent Gisonna, qui rappelle parfois celle de Bjorn Strid (SOILWORK), on s’ouvre à dix pures bombes de thrash implacables.
Les titres s’enchaînent sans aucun temps mort et on profite continuellement du talent de Laurent et Jérôme pour proposer un duo de guitares affutées dont les riffs donnent constamment envie de s’arracher le cou à grands coup de headbang : « A Way Out Of Nowhere » et son intro tout en subtilité qui débouche sur un riff ultra rapide ou « The Introspection Of The Omnipotent » et ses guitares à la MESHUGGAH (= très saccadées) qui sont autant de coups de tête donnés dans un mur. En fait on est tout le temps surpris par la direction qui est prise, tantôt c’est du death, tantôt de la djent, tantôt du thrash… Le mélange des styles est clairement l’une des passions de DEFICIENCY et le travail guitaristique en est la preuve absolue.
Fait assez étrange, qui apparait après plusieurs écoutes, dès que l’on commence à entendre le fond, la batterie n’est pas le cœur de la rythmique du combo, mais, comme chez SLAYER, c’est la basse qui soutient l’ensemble. Vianney Habert est celui qu’on entend le moins immédiatement, mais dont travail métronomique qui s’affranchit souvent d’un simple rôle de 3ème guitare s’avère capital dans la démarche artistique des français. Prêtez l’oreille et savourez ses lignes ronflantes sur « The Experiment », frissons garantis ! Cette centralisation du rythme sur la basse permet à Anthony Thomas de se lâcher complètement et de massacrer ses fûts pendant toute la durée de l’album. Son jeu tentaculaire associé à une force de frappe et un groove assez impressionnant (comme sur « Unfinished » ou « Stronger Than You ») font de cet album une machine à taper des pieds en rythme. En plus le mixage rend supportable la double pédale, ce qui rajoute encore à la valeur de l’objet et permet de profiter vraiment pleinement de ce que l’on a dans les oreilles.
Malgré tout, « The Prodigal Child » présente des défauts. On a encore parfois le sentiment d’avoir affaire à une juxtaposition d’influences et au lieu d’être mélangées celles-ci sont trop souvent stratifiées (« Those Who Behold », ou on alterne entre SODOM et TESTAMENT en pouvant pratiquement définir chaque partie à l’oreille). L’ensemble à par ailleurs quelques longueurs et certains passages sont trop plat par rapport au reste, ce qui est vraiment dommage tant les meilleurs moments de l’album sont géniaux.
« The Prodigal Child » est donc clairement une bonne surprise, un pavé jeté dans le paysage français qui impose DEFICIENCY dans le haut du panier et dans les groupes qu’il faudra suivre attentivement. En gagnant encore en maturité, et en trouvant un son un peu plus personnel, nul doute que les lorrains ont de beaux jours devant eux. Un achat que je vous recommande, si vous êtes fans de la rencontre entre le thrash et le death mélodique. Comme quoi, c’est quand on ne cherche pas qu’on a les meilleures surprises !