La voix est une nouvelle fois magistrale, oscillant entre une mélodie faite d’émotion brute (« Occupied Tears », « Deafening Silence ») et un rythme saccadé et agressif (« Uneducated Democracy »). Que dire d’autre ? Il virevolte, joue, vibre, explose, pleure, rit, emmène l’auditeur précisément la ou il le souhaite. La chanson « Reality TV » est ici son meilleur tableau, ses vocalises de basse mêlées à un refrain lyrique mélodique du plus bel effet et son analyse prenant pour cible ce qui se prétend la « réalité » de la télévision. tout au long de « Harakiri » les paroles sont particulièrement inspirées et constamment dans le juste.
L’arménien a visiblement appris de ses erreurs, et la ou ses deux précédents méfaits utilisaient la musique comme support de sa voix, il réussit ici parfaitement le mélange des deux, chacune des composantes se mettant au service des autres. La basse et la batterie sont ici utilisée bien plus richement que par le passé (« Figure It Out », « Weave On », « Uneducated Democracy »). Les riffs sont particulièrement efficaces et accrocheurs, l’ensemble des instruments se montrant tout aussi changeant que la voix du chanteur : l’intro du morceau « Harakiri » avec sa frappe de batterie faite d’une puissance délicate, introduit les harmoniques subtiles et délicates de guitare. On ne manquera pas de féliciter les musiciens de studio pour leur interprétation quasi-irréprochable tout au long de l’album, chaque instrument semblant prendre vie à mesure que l’on avance dans les pistes.
On a le sentiment (bon ok, j’ai le sentiment, et j’suis peut-être le seul) qu’il a particulièrement écouté ses petits protégés de FAIR TO MIDLAND, tant ses compositions sont solides et intrinsèquement liées. « Cornucopia » nous donne envie de rentrer dans l’album, « Harakiri » de continuer l’écoute, « Deafening Silence » nous émeut et nous relaxe, « Reality TV » nous relance et « Weave On » nous force à remettre l’objet en route, comme si l’on se rendait compte que des éléments nous manquaient.
La bonne dose de puissance et d’émotion au service d’une expérimentation intelligente qui n’en fait pas trop. Des chansons écrites mieux que jamais, des paroles somptueuses, des thèmes engagés et concrets un juste milieu entre toute la musique qu’il a pu nous livrer jusqu’à maintenant. Tout juste pourra-t-on regretter une deuxième partie d’album un peu plus faible que la première et quelques moments un peut trop étranges dans les morceaux, mais nul doute que SERJ TANKIAN nous livre avec « Harakiri » son album solo le plus abouti, enfin libéré de l’ombre SOAD.